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A la rencontre des consom’acteurs (1/6) : la diversité des profils

Une moue agacée vient altérer les traits délicats de Catherine, 47 ans et des sachets de légumes bio plein les bras – encore cette Greta Thunberg à la télévision. D’un mouvement sec, elle éteint la télévision. Assez de leçons de morales pour aujourd’hui.

Si la cadre supérieure, ses déplacements professionnels fréquents, son habitude de prendre l’avion pour un oui ou pour un non et son amour pour les confortables (mais polluants) SUV semblent à l’opposé de la jeune militante écologiste, les deux femmes partagent en réalité un point commun : toutes les deux sont des consom’actrices.

Mais qu’est-ce qu’un consom’acteur ?

Un consom’acteur est un client qui redevient acteur de sa consommation, qui se la réapproprie en réinvestissant ses actes d’achat :

  • En leur accordant plus de sens, de temps, de réflexion
  • En y incluant des préoccupations sociales, environnementales, relatives à la santé…

Les entreprises ne peuvent aujourd’hui plus se permettre de les ignorer : les consom’acteurs ont en effet des attentes singulières et qui se généralisent progressivement. Nous sommes en outre convaincus que la crise du Covid-19 viendra encore renforcer ces préoccupations chez les clients.

Attention aux clichés et à la généralisation

A l’image de Greta et Catherine, la notion de consom’acteur recouvre des profils très divers.

Ils se distinguent selon nous selon deux variables qui permettent d’appréhender avec plus de finesse et de nuances le « phénomène consom’acteur » :

L’intensité de l’engagement (soit le degré auquel cette dynamique de consom’action imprègne le quotidien des consom’acteurs et leurs actes d’achat ou de consommation).

  • Faible intensité : les consom’acteurs faiblement engagés seront par exemple attentifs à la présence d’un label bio sur un des produits de leur panier classique (le « petit plus »). En deçà d’un certain niveau d’engagement, les clients ne sont pas considérés comme des consom’acteurs.         
  • Forte intensité : à l’autre extrême, les consom’acteurs très fortement engagés dans la consom’action n’achèteront jamais de produits conditionnés et choisiront toujours des produits locaux, bio, artisanaux, pour tous leurs achats, voire s’engageront pour développer ces filières, faisant de ce mode de consommation un véritable mode de vie.

Le périmètre de l’action (soit la portée que veulent donner les consom’acteurs à leur engagement à acheter ou consommer autrement, de leur cercle proche au monde entier).

  • Périmètre réduit : les consom’acteurs au périmètre d’action le plus réduit restreignent leur action à eux-mêmes et leur cercle proche
  • Périmètre étendu : à l’autre extrémité, ceux dont le périmètre est le plus étendu font de leur consommation un levier de transformation de la société,  un acte militant.

Grâce à ces deux critères, il est possible de constituer un quadrant :

Les pointillés matérialisent la limite d’intensité d’engagement en-dessous de laquelle un client n’est pas considéré comme consom’acteur

Mais placer des points sur un graphique n’est pas forcément parlant ou inspirant. Pour donner plus de corps à ces différents profils, les humaniser, faciliter la compréhension de leurs comportements parfois complexes, nous avons identifié 5 personas.

  • Catherine, l’inquiète qui veut savoir ce qu’elle mange et ce qu’elle met sur sa peau (et sur celle de sa famille)
  • Greta, la militante qui veut changer le monde
  • Vincent, l’impliqué qui veut reprendre le contrôle de sa consommation et aider les autres à le faire
  • Oualid, le conscient qui veut conserver la maîtrise et préserver son indépendance sur internet
  • Julie, la néophyte qui veut consommer mieux mais pas changer ses habitudes

Exemple de la fiche de Catherine

Humaniser permet de mieux se représenter, mais également de mieux comprendre les consom’acteurs dans toute leur complexité et parfois leurs contradictions – comme celle qui consiste à adopter des « comportements consom’acteur » dans certains domaines, et pas du tout dans d’autres. Ainsi Catherine qui roule en SUV, ce qui pourrait sembler être une incohérence pour un consom’acteur – mais qui devient compréhensible en constatant que l’environnement ne fait pas partie de ses préoccupations.

La diversité de nos personas est facilement perceptible en les positionnant sur les deux axes :

Leur diversité illustre notamment l’élargissement du phénomène consom’acteur : si au départ il n’existait que des “Vincent” et des “Greta”, très engagés et principalement focalisés sur l’environnement, d’autres profils se sont peu à peu développés, avec d’autres préoccupations (comme la santé pour Catherine ou le web pour Oualid) et des intensités d’engagement parfois moindres (à l’image de Julie, qui se situe à la limite du client classique et du consom’acteur).

Les grands points communs aux consom’acteurs

Malgré leur diversité, nous sommes convaincus que les consom’acteurs partagent certaines exigences communes. En particulier, parce qu’ils réinvestissent leur consommation, ils en attendent vraisemblablement plus des entreprises en retour. Nous pensons que certaines des attentes qui existent chez d’autres clients seraient exacerbées pour les consom’acteurs, et être pour eux des « basiques » – sans lesquels ils n’envisagent même pas d’entrer en relation / d’acheter à une marque.

  • Responsabilité : le consom’acteur exige que l’entreprise ait conscience de ses responsabilités par rapport à l’environnement et la société et qu’elle agisse en conséquence
  • Cohérence : le consom’acteur attend que l’entreprise adopte une démarche sincère, complète et cohérente par rapport à son engagement pour l’environnement / la société, et qu’elle ne fasse pas du greenwashing (procédé de marketing ou relations publiques visant à se donner une image de responsabilité écologique trompeuse). L’impact des actions vertueuses qu’elle met en avant doit être réel au regard de son impact global par ailleurs.
  • Transparence : le consom’acteur y voit le moyen par lequel il peut s’assurer que la marque répond à ses autres attentes.

A l’inverse, leur exigence semble parfois moindre sur d’autres attentes qui sont pourtant classiques pour les clients traditionnels, comme par exemple l’immédiateté. Un consom’acteur privilégierait ainsi probablement la qualité et l’authenticité par rapport à la rapidité.

Les consom’acteurs génèrent de nouveaux enjeux pour les entreprises

Satisfaire ou ne pas satisfaire les consom’acteurs génère des enjeux spécifiques et des conséquences particulières pour les entreprises :

  • Le risque d’insatisfaction serait plus grand

Une entreprise peut facilement générer de l’insatisfaction chez les consom’acteurs si elle ne prend pas la mesure de l’importance de certaines exigences : la responsabilité, la cohérence et la transparence ne sont plus pour eux des « nice to have » mais de véritables « must have ». Une entreprise qui les bafouerait risquerait de générer des détracteurs puissants parmi les consom’acteurs, là où les clients traditionnels n’y verraient sans doute pas de problème d’importance.

  • Les entreprises qui ne satisfont pas les attentes des consom’acteurs courraient des risques spécifiques

Un consom’acteur insatisfait, parce qu’il milite en consommant, est plus susceptible de communiquer activement son insatisfaction ; contrairement à un client « classique » qui se contenterait de cesser d’acheter chez vous, le consom’acteur pourrait s’employer activement à discréditer votre marque. Les dommages pour l’entreprise sont donc potentiellement bien plus importants que ceux causés par un client insatisfait « classique ».

  • Les entreprises qui les satisfont peuvent en revanche bénéficier d’opportunités nouvelles

Les consom’acteurs sont des clients plus engagés que la moyenne, dans leur consommation mais également envers les marques qu’ils choisissent de consommer. Leur sensibilité au prix est en général moindre (la production en France des produits (32%), et leur composition saine, voir bio (20%), constituent respectivement les 2ème et 3ème critères de sélection des produits alimentaires pour les Français, y compris en payant plus cher[1]). Leur achat résultant d’un vrai choix, d’une réflexion, ils sont également plus susceptibles d’être fidèles à une marque. Ici aussi, parce qu’ils militent en consommant, ils peuvent aussi être de véritables promoteurs, plus actifs que les autres clients : ils communiquent et tentent de diffuser leurs choix de consommation. Ils sont également plus enclins à relayer les publications de la marque sur les réseaux sociaux par exemple, offrant la possibilité d’être viral quasiment sans publicité.

Comment répondre à cette tendance de fond de l’expérience clients ?

Le phénomène consom’acteur, tendance de fond de l’expérience clients, recouvre donc selon nous des profils très divers, qui varient par l’intensité de leur engagement et le périmètre de leur action. Ils partageraient toutefois de grandes exigences en matière de responsabilité, de cohérence, et de transparence. Le fait de ne pas les satisfaire ne nous paraît pas neutre pour les entreprises : au-delà de simplement renoncer à acheter leurs produits ou services, les consom’acteurs sont bien plus susceptibles que les autres de devenir des détracteurs actifs. A l’inverse, les satisfaire peut donner accès à des opportunités nouvelles (promotion active, moindre sensibilité au prix, fidélité…).

Une fois les exigences « essentielles » comprises, il s’agit donc de s’intéresser plus précisément à leurs attentes spécifiques, car leur diversité rend impossible un traitement unique et standardisé du phénomène consom’acteur. C’est ce qui nous occupera dans les prochains articles !


Les auteurs :

  • Lucie Gadant – Ancienne consultante expérimentée Acemis
  • François Adam – Senior manager Acemis

[1] Etude consommation alimentaire : quelles sont les conséquences du confinement sur les habitudes des Français ?, PwC, avril 2020

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