Tripler son chiffre d’affaires en 4 ans, maintenir le cap de la croissance même pendant les périodes de récession, devenir une structure reconnue mondialement pour ses méthodes innovantes en termes de management et figurer parmi les meilleurs employeurs d’Inde, d’Asie et du Royaume-Uni… voilà une vraie success story !
Tout au long de cette série, nous vous présenterons ce que Vineet Nayar a engagé phase après phase chez HCLT. Nous décrypterons les actions qu’il a mises en œuvre et vous proposerons nos conseils pour vous guider dans un projet de transformation.
En commençant par rappeler l’enjeu qui a motivé Vineet Nayar. L’objectif du dirigeant en 2005 est très clair, il s’agit d’assurer la croissance de son entreprise et d’assurer sa pérennité. Son moyen : un grand projet de transformation impliquant le renversement du management. Ses pistes : 4 grandes phases, applicables dans d’autres organisations. Démarrons par la première.
« Miroir mon beau miroir,
créer le besoin du changement »
La démarche :
Pour mettre en route son entreprise, éviter son déclin et viser à terme ce qu’il nomme « le point B », Vineet Nayar s’est d’abord interrogé sur le « point A » et s’est attelé à le définir. Il a donc demandé à plusieurs milliers de salariés, clients et partenaires d’exprimer la vérité telle qu’ils la voyaient. La méthode du miroir fonctionne si tous les niveaux de l’entreprise font cet exercice, et le font non pas en regardant dans le rétroviseur des gloires passées pour s’y accrocher, mais en observant objectivement les possibles failles et limites d’un modèle organisationnel en train de vieillir.
En médecine, l’IRM permet une observation fine du corps humain en vue de comprendre un dysfonctionnement et soigner le patient par la suite.
Chez Acemis, nous avons repris à notre compte l’acronyme IRM pour structurer les projets de change : chaque lettre correspond à une phase de l’accompagnement d’un changement. Cette méthode a le mérite de proposer un découpage simple, applicable dans tous les contextes.
Créer la dynamique du changement avec la méthode IRM
Tout projet de change doit intégrer 3 grandes phases :
I pour « Invalider le présent » : c’est ce que Vineet Nayar réalise dans la phase « miroir mon beau miroir » qui permet de constater le point de départ d’une situation et d’analyser un état de fait. À l’issue de cette phase, les parties prenantes ont pris conscience qu’il n’est « plus possible de continuer comme avant ».
R pour « Rassurer » : c’est un temps fort de construction de la confiance. Le chemin de la réussite n’est pas connu précisément, mais le futur après changement est présenté comme possible, réaliste et concret. Les parties prenantes doivent se dire « voilà ce qu’on peut faire, c’est possible, j’y crois »
M pour « Montrer le chemin » : guider la route en indiquant les moyens de réussite et en facilitant les démarches est une clé de réussite des projets de change. Les parties prenantes peuvent dire « voilà comment on va essayer de faire, nous pouvons y arriver ». Cette phase implique de conforter toute bonne pratique pour assurer une dynamique de « test and learn ».
Les bénéfices :
Vineet Nayar a pu constater sans œillères ce qui n’allait pas et obtenir un panel complet des problématiques. Il a ainsi pu engager une prise de conscience à tous les niveaux de l’entreprise. Par ailleurs, en formulant leurs avis, les interrogés ont pu se rendre compte de la situation et prendre leur part dans le questionnement de la transformation. Vineet Nayar identifie alors 3 populations qu’il nomme ainsi :
- Les « âmes perdues » que rien ne rassure ni ne motive
- Les « transformeurs » bouillonnants d’idées et de solutions
- Les « attentistes » observateurs et prudents
Cette analyse lui permet de comprendre comment adapter ses efforts pour entamer la transformation de son entreprise.
Misez sur les 10 % gagnants
Lorsque le besoin de changement se manifeste, même le meilleur argumentaire ne parvient pas à convaincre 100 % des personnes concernées par ce changement. En fait, la Harvard Business Review explique que seuls 10 % suffisent pour lancer une dynamique. Oui, juste 10 % au démarrage !
Et ce sont ces 10 % qui vont entrainer plus tard les hésitants, et ensuite les récalcitrants.
Cela ne veut pas dire qu’il faudrait oublier les craintes des hésitants ou les objections des récalcitrants, mais cela permet d’orienter les efforts d’accompagnement au démarrage. Consolidez la confiance des personnes qui semblent adhérer, impliquez-les, et permettez-leur de devenir des promoteurs de votre projet à vos côtés… le changement se construit progressivement.
Il suffit de 10% des collaborateurs pour changer toute l’entreprise
Les difficultés rencontrées :
Une première difficulté a été de poser des questions aux interrogés sur le « pourquoi » de la situation sans être en mesure d’apporter des réponses sur le « comment s’en sortir ». Ce premier recueil a pu générer de la frustration chez certains qui n’y voyaient qu’une liste de dysfonctionnements sans aucune proposition de changement.
Une seconde difficulté pour Vineet Nayar lorsqu’il a interrogé certains managers sur le point A d’HCLT a été de se trouver confronté à une liste d’excuses. Contexte économique global difficile, concurrence impitoyable, lourdeur des process, clientèle exigeante, etc. tous ces paramètres expliquaient, voire même excusaient à leurs yeux la situation d’HCLT. En quelque sorte ils venaient systématiquement entraver tout projet de changement.
Malgré ces deux difficultés, le dirigeant a continué son écoute et son observation du contexte d’HCLT pour atteindre son objectif : parvenir au consensus généralisé du besoin de changement.
Les effets produits :
HCLT doit se transformer, c’est une certitude. Et cette transformation aura comme point d’atterrissage un renversement de la pyramide du pouvoir. L’enjeu de Vineet Nayar comme un fil rouge : permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même. Il ne sait pas encore comment y parvenir à ce stade, mais tout ce qu’il mettra en œuvre par la suite concrétisera cet objectif, ajusté au contexte d’HCLT.
Nos conseils :
Rendez-vous sur place, au cœur de vos équipes pour constater la réalité de la situation. Luttez contre la tentation d’envoyer un questionnaire même s’il vous éviterait de vous déplacer et vous permettrait d’aller plus vite. Comme Vineet Nayar, vous serez mieux conscient des vérités si vous les observez. Même si la venue d’un dirigeant est toujours « préparée » par les équipes qui vous accueilleront, vous pourrez entendre, voir, ressentir… ce qui enrichira singulièrement votre compréhension du contexte. En outre, incarner le changement par votre présence sur place montrera à vos équipes l’importance que vous accordez à cette démarche.
Facilitez la prise de conscience par la parole. La principale vertu de la verbalisation est de permettre aux collaborateurs de mettre des mots (leurs mots) sur une situation, et ainsi de s’approprier les réflexions sur ce qui doit être changé. La verbalisation permet des prises de conscience et une forme d’autonomisation des salariés, pour qu’ils puissent progressivement prendre les sujets à bras le corps et trouver des solutions. Il existe différentes techniques dont les effets sont plus ou moins puissants. Celles inspirées des entretiens d’explicitation comme l’instruction au sosie par exemple sont de très bons moyens pour obtenir ces effets de prise de conscience.
Focalisez-vous sur le quoi, ignorez le comment. Ce que l’étape du miroir enseigne, c’est qu’elle doit être une description à décorréler de toute analyse. Commencer par faire l’exercice du constat indépendamment des solutions, permet de ne rien laisser de côté et de repérer tout le contexte de votre entreprise. La tentation est souvent grande de vouloir trouver rapidement des réponses sur le « comment » corriger les choses. Sauf qu’en réfléchissant à partir de ce que l’on sait ou de ce que l’on croit possible, on court le risque d’établir un état des lieux incomplet. Et de passer à côté de certaines problématiques majeures pour le développement de votre entreprise ou sa pérennité.
Déjouer les excuses : soyez patients ! Au stade de l’observation de la situation de votre entreprise, les excuses dans lesquelles seront embourbées certaines de vos équipes vous révèleront des freins réels qui entravent leur motivation. Ne luttez pas : elles se sont progressivement installées pour justifier des comportements ou expliquer des blocages. Au fil de la transformation, elles disparaitront d’elles-mêmes. La seule action que vous puissiez faire dans l’étape du miroir est de mesurer leur ampleur pour évaluer leur ancrage dans les pratiques des collaborateurs concernés.
Dans notre prochain article, nous vous présenterons la phase 2 « La confiance à travers la transparence : créer une culture du changement » de la transformation d’HCLT et les éléments concrets mis en place pour poursuivre la transformation de l’entreprise.
Cette série d’articles a été rédigée par Ludivine MORIN, avec le concours des membres du pôle Expérience Salariés : François ADAM, Oualid MEKARI et Noémie ROYER. |