Développer une relation clients plus humaine et attentionnée n’est pas une mince affaire ; preuve en est : même des entreprises qui investissent massivement dans la formation à la relation clients depuis des années ont du mal à franchir le cap…
Ce qui rend l’exercice si difficile, c’est probablement le fait que cette petite étincelle que l’on cherche à produire, cette subtile différence qui fait d’un moment de relation une véritable rencontre dont on se souvient durablement, dépend plus de l’état d’esprit et de la manière dont cet état d’esprit transparaît dans les comportements des collaborateurs que de la maîtrise des techniques de communication…
Durant des années, les entreprises ont formé les front-liners aux techniques de com. Après une formation de 2 jours aux techniques de relation clients, les collaborateurs sont renvoyés à leur quotidien, charge au manager d’ancrer la mise en application… Bref, nous avons crée d’excellents techniciens de la relation clients, capables de se présenter impeccablement, d’utiliser avec maestria la reformulation, de jongler avec une grande habileté avec les questions ouvertes et fermées, d’appliquer les techniques d’argumentation (CAB ou assimilé) de manière pavlovienne.
Alors pourquoi, quand on les interroge, certains clients de ces mêmes entreprises disent-ils encore qu’ils ne se sont pas sentis compris, pris en charge ou considérés ?
Probablement parce qu’il nous reste encore du pain sur la planche en matière d’état d’esprit et de compétences émotionnelles et humaines, les fameuses soft skills…
L’une des différences majeures entre compétence technique et compétence humaine, c’est que cette dernière ne s’acquière pas ; nous en avons tous le ferment en nous depuis notre naissance. Quand on parle de développer ces compétences, il s’agit plus de les faire grandir et de s’habituer à mieux les mobiliser dans un contexte professionnel que d’apprendre une recette et de s’entraîner à l’appliquer. Contrairement aux compétences techniques, qui s’accommodent très bien de la formation traditionnelle suivie d’un ancrage terrain par le manager, ces compétences un peu particulières se développent au quotidien, par déclics successifs et un travail sur soi régulier.
Si l’impulsion peut être donnée en formation, le manager est donc tout naturellement un acteur de premier plan dans le développement des soft skills… Malheureusement il ne dispose souvent pas du mode d’emploi pour les travailler…
Si vous en doutez, je vous propose de vous prêter à une petite expérience qui m’a été suggérée il y a quelques années par un ami : demandez à un manager de votre entourage s’il a l’habitude de travailler l’empathie… il y a fort à parier qu’il vous répondra par l’affirmative. Puis demandez-lui comment il s’y prend. La dernière fois que j’ai tenté l’expérience, mon interlocuteur m’a répondu qu’il travaillait le questionnement et la reformulation… bref toujours ces bonnes vieilles techniques de com !
Accompagner le développement des soft skills est un art complexe, qui questionne les pratiques des managers en matière de développement des compétences. Voici 3 exemples d’axes de travail pour les managers qui souhaitent accompagner le développement des compétences humaines :
- Coacher autrement, en passant d’une approche technique à une approche émotionnelle de la relation,
- Mettre en œuvre des modalités d’accompagnement permettant de créer « une étincelle qui vient de l’intérieur »,
- Créer un environnement qui facilite la mobilisation de ces soft skills.
- D’une approche technique à une approche émotionnelle de la relation
Nombreux sont les managers a avoir été formés à l’accompagnement terrain et au « coaching ». Et tant mieux : l’accompagnement « on job », avec observation puis débriefing nourri par du feedback, est un levier puissant pour accompagner le développement des compétences, notamment des compétences relationnelles.
Cependant l’approche traditionnelle du débriefing reste très centrée sur le geste et la technique : grilles de coaching qui focalisent l’observation du manager sur le respect de standards (a-t-il bien suivi la trame de l’entretien ? A-t-il utilisé la bonne phrase d’accueil ? A-t-il posé des questions ouvertes avant de poser des questions fermées ? etc…), débriefing mené de manière à faire émerger ce que le collaborateur « a bien fait » ou « a oublié de faire », sont autant de signaux qui transmettent au collaborateur une vision très normative de la relation. Résultat : ces derniers se concentrent sur ce qu’ils « doivent faire » plutôt que sur ce qu’ils veulent faire ressentir à leur client, ils se trouvent enfermés dans des gestes prescrits qu’ils risquent d’accomplir de manière mécanique.
Il est possible de conduire le débriefing autrement, de manière à redonner une place à l’intention et à aider chaque collaborateur à se centrer sur le client plutôt que sur ce qu’il doit faire .
Par exemple en commençant par se demander ce que le client a ressenti, puis en remontant sur ce qui a provoqué ce ressenti, avant de choisir ce que l’on a envie de faire autrement. En construisant son questionnement autour de ces 3 temps, le manager aide le collaborateur à relire son contact client sous l’angle émotionnel, en adoptant le point de vue du client…
- Une étincelle qui doit venir de l’intérieur…
Les compétences humaines ne se travaillent pas par l’injonction, ni par le bâton et la carotte : il ne suffit pas de dire «fais preuve d’empathie », « sois bienveillant », « coopère » ou « souris » pour que, comme par magie, l’attitude se transforme.
Modifier durablement son comportement demande un travail sur soi non négligeable, dans lequel on ne s’engage qu’à condition d’en avoir profondément envie, par exemple parce que l’on a pris conscience que :
- cela a du sens pour moi (ex : je comprends que cette nouvelle manière de travailler correspond à mes valeurs et mes aspirations profondes, à mon besoin d’être utile)
- cela me permet de m’accomplir, de réussir, de progresser (ex : je m’aperçois qu’en procédant de cette façon, je réussis mieux)
- cela me permet de créer du lien social (ex : de nouer des relations beaucoup plus agréables et intéressantes avec mes clients, c’est gratifiant)…
Bref, pour accompagner le développement de ces compétences, le manager devra :
- Imaginer des activités permettant de créer les déclics nécessaires à cette prise de conscience, par de l’expérienciel et du changement de perspective.
Voici par exemple une activité collective imaginée par Christelle, responsable de point de vente, autour du thème de l’empathie : en réunion d’équipe, elle propose des situations clients et demande à 2 conseillers de jouer la scène en mode « centré sur soi », puis de la rejouer en mode « centré sur le client ».
Le collectif observe en adoptant le point de vue du client et débriefe sur les émotions qu’il a ressenties dans chacune des deux saynètes. Les conseillers verbalisent ce qu’il y a à perdre et à gagner à se centrer sur le client, puis chaque conseiller note pour lui-même un engagement qu’il a envie de prendre sur le thème de l’empathie pour la journée. - Donner au collaborateur quelques clés pour l’aider à réaliser en autonomie un travail sur soi au quotidien
Par exemple, le même manager propose aux conseillers qui ont envie d’initier un travail sur l’empathie l’exercice suivant :tous les soirs, le conseiller repère un moment de relation de la journée où il a été centré sur lui et non sur son interlocuteur. Il se « repasse le film » et repère la manière dont ça s’est traduit dans son comportement, puis s’interroge sur ce que son interlocuteur a du ressentir. Enfin il s’imagine le même moment de relation, s’il l’avait abordé en se centrant sur le client.
- Être à ses côtés dans la durée pour l’aider à mesurer l’évolution de ses comportements et le bénéfice qu’il en tire.
Christelle ne manque pas une occasion d’observer des moments de relation interpersonnel et de faire du feedback positif à chaque conseiller pour souligner les signes d’empathie qu’elle a perçus et l’impact que cela a eu sur la nature de la relation.
Christelle est manager de proximité et non une experte en sciences humaines ; et pourtant elle a réussi à initier ce travail sur les soft skills et à faire bouger les lignes en matière de proximité de la relation. Ses conseils pour y arriver : « Avoir une obsession : celle de donner envie de faire autrement, être inventif en matière de modalités et être constant dans l’effort »
Cent fois sur le métier passer et repasser… c’est ainsi que se travaillent les soft skills.
- Un environnement facilitant pour entretenir la flamme
L’envie ne suffit pas pour installer de nouveaux comportements qui résistent aux tracas du quotidien.
Comment développer le réflexe de me centrer sur l’autre si mon environnement m’exhorte en permanence à me centrer sur autre chose (les procédures, les ventes d’un produit en particulier sur lequel je subis une forte pression etc…) ?
Comment développer une attitude de coopération quand je suis évalué sur la quantité de mes réalisations individuelles, ou si je me sens mis en compétition avec les personnes avec lesquelles je suis sensé coopérer ?
Le manager qui entreprend un travail sur les soft skills doit également, s’il veut que son travail tienne dans la durée, s’interroger sur l’environnement qu’il crée autour de ses collaborateurs et sur les messages implicites que cet environnement envoie ;
Votre priorité est de développer la confiance dans la relation ? Posez-vous la question : qu’est-ce qui, dans mon management au quotidien, peut être interprété comme une incitation à se méfier de son interlocuteur ? Mes collaborateurs se sentent-ils eux-même en confiance avec moi et avec l’entreprise ?
Mais la, j’empiète sur le sujet de l’article à venir, le dernier de la série sur le management par l’intention.
Je vous dis donc à la semaine prochaine pour ce nouveau rendez-vous.
En attendant, je me tiens encore et toujours à votre disposition pour échanger avec vous autour de vos projets de transformation managériale : nruchaud@acemis.fr.
[Le « management par l’intention »™ est une marque déposée par Acemis.]