L’autre jour, alors que je m’apprêtais à sortir d’un magasin chargée de colis, un élément inattendu est venu donner une couleur particulière à ma journée et enchanter mon expérience : une marque d’attention. « Voulez-vous aller chercher votre voiture ? Je sortirai vos colis dès que je vous verrai arriver », m’a proposé la vendeuse.
Les marques d’attention génèrent de l’émotion, marquent durablement et renforcent l’attachement à la marque.
On rencontre 2 écoles, parfois complémentaires, pour développer les marques d’attention dans la relation clients de personne à personne : ritualiser et libérer l’initiative.
1ère école – L’attention portée au client doit être visible du client, marquante et reproductive… Elle se ritualise
Votre prénom noté sur votre gobelet chez Starbucks,
La tasse de Nespresso quand vous entrez dans le bureau de votre conseiller à la Société Générale,
La mise en scène de l’ouverture de la boîte quand le vendeur vous présente le nouvel ipad que vous vous apprêtez à acheter dans l’Apple Store à côté de chez vous,
Les gants blancs de l’installateur Bang et Olufsen,
Votre chauffeur Uber qui vous ouvre la portière ou LeCab qui vous accueille avec un parapluie quand il pleut…
Initiatives individuelles ou rituels ?
Vous l’avez deviné, rituels ! Que vous buviez votre café dans le Starbucks de Lille ou dans celui de Bordeaux, à toute heure du jour et de la nuit, vous êtes toujours accueilli avec la même question : « quel est votre prénom? ». Tout comme le client juste avant vous, tout comme celui juste derrière.
La ritualisation de la relation clients est une pratique issue de l’univers du luxe. Elle consiste à repérer des moments clés du parcours où le client sera particulièrement sensible à une marque d’attention, et à définir le geste, la parole, la pratique qui permettra de marquer, de manière uniforme quel que soit l’interlocuteur du client, l’attention qu’il lui porte.
2ème école – L’attention vraie se ne se processe pas, elle ne se scripte pas … Elle vient du coeur! Développons l’envie de faire plaisir au client et libérons l’initiative sur la manière de faire
Avez-vous déjà rencontré de ces employés qui par un geste, une phrase, illuminent votre journée ?
- Par exemple chez Air France, après avoir retrouvé dans l’avion un objet égaré par un passager, une équipe de personnel de bord le renvoie à son hôtel,
- La météo capricieuse du Wyoming oblige votre avion à se poser en urgence, et vous restez cloué au sol plusieurs heures ? (ouch !!) … Pas de problème, le commandant de Frontier Airlines pense à vous et commande des pizzas pour les 160 passagers
- Chez Zappos, il n’est pas rare de trouver un dessin ou une lettre de son conseiller dans son colis et si vous ne savez pas où trouver une pizza près de votre hôtel, le service clients vous répondra
- Et bien sûr les inénarrables et désormais célèbres Stéphane de la SNCF et Pierre-Gabriel d’Easyjet qui ont le don de faire passer un bon moment aux passagers tout en leur faisant découvrir produits en promotion et carte des consommations avec des annonces hautes en couleur, le sourire et toujours un mot sympathique.
Mais comment ces entreprises s’y sont-elles prises pour développer ces marques d’attention ?
En ne les imposant pas, mais en développant toutes les conditions pour permettre à leurs employés de démontrer à chaque client une attention authentique, à sa manière… bref, en valorisant les belles histoires clients, en libérant l’initiative, en encourageant le test and learn, en donnant l’opportunité aux salariés d’inventer leur propre relation clients et en les aidant à se centrer sur ce que perçoit le client plutôt que sur ce qu’ils doivent faire…
Alors, ritualiser ou libérer ?
Les rituels, à condition de bien les choisir et de les définir en nombre modéré, peuvent devenir de réelles signatures de marque… Si je vous dis « il m’a offert un bonbon à mon arrivée », un nom d’entreprise vous vient-il en tête ? Bien joué, c’est Uber !
Le problème avec le rituel, c’est qu’il se galvaude vite, notamment lorsqu’il est utilisé dans le cadre de modèles relationnels où :
- la fréquence des contacts avec l’entreprise est élevée (un bonbon une fois marque une attention particulière, mais quand on utilise Uber plusieurs fois par jour, ça devient lassant…)
- le client est témoin de ce que vivent les autres clients (une attention n’est plus une attention quand le geste est réalisé « à la chaîne »)
Autre point de vigilance : pour susciter une émotion positive, le rituel demande une exécution parfaite… comme en témoignent les nombreuses vidéos youtube sur les prénoms mal orthographiés par les employés Starbucks.
De plus pour être crédible, il doit être incarné, traduire une véritable intention et ne pas être mécanique.
Quant à la relation client libérée, elle a l’immense avantage d’être difficilement reproductible : les rituels du luxe sont imités, il est plus difficile de dupliquer le modèle relationnel de Zappos.
En revanche elle repose souvent sur une transformation en profondeur de la culture managériale, voire de la culture d’entreprise ; bienveillance, confiance, lâcher prise, « obsession client » ne sont que quelques exemples de postures à développer chez les managers pour y parvenir. Et cette transformation ne s’opère ni en un jour, ni sans efforts…
Nathalie Ruchaud, directrice Acemis